Des citations dans lesquelles on ne trouvera pas le mot "haïku", mais quelque chose de l'esprit de ce genre de poésie : l'attention aux petites choses de la vie, l'émerveillement, l'étonnement, ... ***
Des extraits du livre du photographe Willy Ronis, "Ce jour-là", où il est bien sûr question de photo, mais ne pourrait-on appliquer ce qu'il écrit au haïku ? Willy Ronis - Ce jour-là
*** "Gardons de l'enfance le goût d'aller à la nouveauté quotidienne du monde, partons inlassablement à la recherche de ce que personne d'autre n'aura vu avant nous. Etre le premier à voir quelque chose - et ne le sommes-nous pas à chaque fois que nous posons un regard étonné et neuf sur quoi que ce soit ? Même vu et contemplé par des millions d'autres avant nous, le monde, d'une certaine manière, naît à notre regard dès lors que nous nous émerveillons." Thierry Gosset - Pour toute la saveur du monde
« L'essentiel réside dans le commencement, dans le fait d'ouvrir les yeux. Hermann Hesse – Propos sur les joies modestes de l'existence (1899) in L'art de l'oisiveté
« L'une des voies qui permettent à l'homme d'accéder à la félicité ou à la sagesse, la plus simple et la plus enfantine, passe par la capacité d'être étonné face au spectacle de la nature, d'être réceptif à son langage. « Je suis ici bas pour m'étonner de ce que je vois » dit un vers de Goethe. Au commencement, il y a l'étonnement ; à la fin, il y a aussi l'étonnement, et pourtant, le chemin parcouru n'est pas vain. Il se produit toujours la même chose lorsque j'admire de la mousse, un morceau de cristal, une fleur, un scarabée doré ou un ciel de nuages ; lorsque je contemple la surface de la mer soulevée par la respiration lente et profonde de la houle ou une aile de papillon avec ses nervures fines et régulières, ses bordures découpées et colorées, son dessin composé de signes et d'ornements multiples, ses couleurs aux transitions et aux nuances infinies, suaves et merveilleusement subtiles. A chaque fois, j'entre en contact avec une partie de la nature, que ce soit grâce à mon regard ou grâce à un autre de mes sens ; je suis attiré et envoûté par elle, je m'ouvre pour quelques minutes à sa présence, à ce qu'elle révèle, et quitte alors instantanément l'univers cupide et aveugle de la nécessité humaine. J'oublie tout, et au lieu de réfléchir ou de donner des ordres, au lieu d'acquérir des biens ou d'exploiter les autres, de m'engager dans des combats ou d'être un chef de file, je me contente de « m'étonner » comme le faisait Goethe. Cette faculté d'émerveillement me rapproche de lui, des poètes et des sages, mais aussi de toutes ces choses que je contemple ébahi et que je sais vivantes; le papillon, le scarabée, le nuage, le fleuve et la montagne. En empruntant cette voie, j'échappe en effet à un univers morcelé pour entrer dans une unité où chaque élément de la création dit à l'autre : Tat twam asi (« Voilà ce que tu es »). » Hermann Hesse – Beauté du papillon (1935) in L'art de l'oisiveté
« On est si rarement un homme authentique sans rien entre soi et le reste. Le reste ? C'est tout l'univers autour de nous, tout ce à quoi nous ne devrions jamais nous habituer, tout cela qui vit et change à chaque heure en même temps que nous : le ciel, la nuit, les astres, le soleil, les aurores et les crépuscules, la terre blanchissante ou reverdissante qui meurt ou renaît, selon les saisons, sous les yeux des bergers, et aussi bien la petite herbe nouvelle qu'un lièvre a mordillée dans la nuit, c'est la mer et ces glauques merveilles que le nageur entrevoit, c'est la caresse de l'eau qui frémit autour de lui, c'est la bataille avec les vagues et les vents, ce sont toutes les surprises et les rencontres avec les choses, les gens, les bêtes, tous les signes du destin qui vous ont fait ce que vous êtes. On ne se souvient que de quelques moments vrais de la vie. » Jean Guéhenno – Carnets du vieil écrivain (1971)
« Tout nous ramène à l'immense. Toujours. Et l'immense, aussi paradoxal que cela puisse paraître, eh bien habite le plus minuscule. Cette poussière dans le rai d'un soleil, cette fourmi allant à vive allure, guidée par l'effroi sur l'ocre du carrelage car le chat, de sa patte, veut jouer avec elle. Cette feuille d'automne, roussie, en piètre état, la dernière, sur la branche de l'arbre qu'arrachera bientôt le vent. Oui, l'immense est là, à portée de nos mains. Partout. Partout. ». Joël Vernet – La nuit errante (2003)
« Sous le familier, découvrez l'insolite, Bertold Brecht, cité par Colette Nys-Mazure dans La chair du poème (2004)
« Seul existe l'instant. Dans tout son minuscule et son détail. N'en rien perdre. (26 janvier) C'est dans le banal et non dans l'extraordinaire qu'il convient d'aller puiser mille motifs à s'étonner si l'on veut vraiment tenir tête au temps qui passe, échapper un instant à la tragique routine des jours. (8 juillet) Pas une seconde ne roule plus vite que l'autre pour faire l'heure. Tout est égal. Tout n'est que continuelle répétition. Mais selon la manière d'orienter l'œil, alors se brise l'habitude et se renouvelle le quotidien. Ainsi toute chose devient inédit au regard patient et perspicace et chaque jour vaut d'être surpris. L'enchantement. (7 décembre) » Pierre Autin-Grenier – Les radis bleus (2005) |